Valeria Bruni Tedeschi : les amandiers

Fin des années 80, Stella, Etienne, Adèle et toute la troupe ont vingt ans. Ils passent le concours d’entrée de la célèbre école créée par Patrice Chéreau et Pierre Romans au théâtre des Amandiers de Nanterre. Lancés à pleine vitesse dans la vie, la passion, le jeu, l’amour, ensemble ils vont vivre le tournant de leur vie mais aussi leurs premières grandes tragédies. "Valeria Bruni Tedeschi" a puisé dans la moelle des acteurs, et dans sa propre mémoire quand elle était la fin des années 80 étudiante à l'école de théâtre de Patrice Chéreau ou l'actrice franco-italienne a vécu deux ans de passion débordante . C'est un film scintillant (malgré quelques irrégularités dans mise en scène), marqué par de grands élans de vitalité et de douleur bien typique de la jeunesse (dans les autres pays le titre est devenu : "la grande jeunesse" : "forever young", "la gran juventud"...). Bruni Tedeschi évoque avec émotion ces jours d'enthousiasme et d'innocence, en utilisant des images analogiques pour recréer la texture du cinéma d'époque et en s'appuyant sur une bande sonore énergique pour illustrer des moments mémorables ('Daydream' de Wallace Collection accompagne un premier baiser, tandis que 'Le Chanteur' de Daniel Balavoine anticipe prophétiquement une mort).. Ses personnages évoquent une vie vouée au sublime, avec ses moments de gloire – liés à l'amour et à la création artistique – et son penchant à l'amertume. "Les amandiers" est un film ébordant, romanesque, épuisant. D'un point de vue émotionnel et cinéphile, assister au cours 'Les amandiers', c'est comme courir un marathon au sprint. La ruée vers des émotions volatiles– qui peut passer de l'extase à la dépression en quelques millisecondes – rappelle le cinéma viscéral de John Cassavetes. L'excès fait partie intégrante de l'alphabet formel et émotionnel de Bruni Tedeschi, ce qui immunise 'Les amandiers' contre la possibilité de tomber dans la formule. La représentation du premier amour de Stella (l'extraordinaire Nadia Tereszkiewicz) est peut-être quelque peu redondante, mais c'est cette façon extrême et insistante d'attaquer chaque situation, comme si le film était un insecte rebondissant contre une puissante source de lumière qui distingue Bruni Tedeschi et sa proposition magnétique. "Les amandiers" montre aussi l'expérience du privilège : Stella, l'alter ego évident de Bruni Tedeschi, vit dans un manoir opulent et offre une aide financière à ceux qui en ont besoin. Cependant, sa condition de riche ne la protège pas du malheur et d' une mélancolie que la cinéaste étudie à travers la charmante relation entre la protagoniste et un majordome qui fait également office de figure paternelle, de psychologue et de confident sentimental. Enfin il y a le beau portrait intéressant et non condescendant de Chéreau livré par un "Louis Garrel" magnétique, ou le souvenir des ombres que l'épidémie du sida jetait sur la jeunesse des années 80, ou encore les longs passages que le film consacre à des exercices de jeu d'acteur. ( physiques, psychologiques, émotionnels) de la troupe de jeunes interprètes. Au final, 'Les amandiers' éblouit par son portrait intemporel et universel de la splendeur de la jeunesse, l'âge de la démesure, de l'irresponsabilité et de la passion. Heureusement, Valeria Bruni Tedeschi semble n'avoir perdu aucun de ces talents hors du commun.

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