Cedric Ronnoc : Le dernier Chapitre. 2023.
Interview de "Cédric Ronnoc" avec critique de sa Novella
Après « Ce que la Backroom révélait de lui » (Edlivre n,2018) et le recueil de nouvelles « Tel des échos » (Bookelis, 2021), le toulousain « Cédric Ronnoc » renoue avec ses thématiques dans sa « Novella « le dernier chapitre »
Mêmes thématiques certes mais qui suivent une évolution intéressante : Dans le premier roman Cédric nous racontait l’histoire de Nicolas, à la troisième personne, on sentait bien qu’il se dévoilait un peu plus en endossant les costumes de quatre jeunes gays : Bastien, Stéphane, Paul et Nicolas dans les nouvelles de « tel des échos ».
Avec « le dernier chapitre, « Cédric Ronnoc » choisit de raconter une histoire proche de celle du premier roman, en reprenant aussi des aspects que l’on trouvait dans ses nouvelles, mais cette fois-ci en disant « je ». Je lui ai donc posé la question et oui, il m’a expliqué que « Ce que la Backroom révélait de lui » était déjà autobiographique mais qu’il avait souhaité mettre le texte à distance pour mieux l’analyser.
Cette fois ci, l’auteur se livre donc à une sorte d’autoanalyse et confirme également le côté auto analytique progressif de l’évolution de ses écrits.
C’est peut-être ce qui explique que dans « le dernier chapitre le narrateur qui raconte son histoire n’a pas de prénom.
Nous suivons donc « je «, un homme de 46 ans qui raconte sans pudeur et sans détour sa journée dans un langage cru, parlé venu des tripes au cours de ce que l’on comprend vite être une journée type à ce moment de sa vie .
Nous sommes un vendredi, dernière journée de travail et soir de sortie. La journée commence à 6 h 30 pour se terminer à 1 h du matin : Travail, boulot, s’accompagnent de drague et de désir sexuel qui se cristallise en soirée avec la sortie dans un Sex-club.
Ce choix de suivre une journée, me confie « Cédric Ronnoc » n’est pas venu tout de suite, il avait commencé à écrire comme ça lui venait et c’est rendu compte pendant l’écriture de cet intérêt chronologique qui ordonne le récit et qui permets au lecteur de ressentir le côté répétitif et monotone que le narrateur semble ressentir… On n’est pas dans l’aventure, ce que ressent le personnage c’est son quotidien routinier au point d’en devenir d’une morosité extrême.
À cette narration linéaire viennent s’ajouter des flashbacks sur sa vie passée et des réflexions présentes, pensées, monologues intérieurs, vitupérations, commisérations, réminiscences, espoirs et désespoirs, illusions et désillusions, tout ce qui se passe dans son esprit pendant les évènements de sa journée. Ainsi au fil des moments qui parsèment cette journée le narrateur revient sur son parcours intime : la découverte de son homosexualité, son sentiment de décalage vis-à-vis des autres garçons lors de ses jeunes années, ses premiers pas sur le chemin de sa vie d’adulte,, sa quête de l’âme frère et ses errements dans les Sex-clubs.
Le constat se fait sentir dès le début et se confirme au fur et à mesure. Timide, ce garçon a longtemps cru que le bonheur viendrait avec le grand amour, longtemps attendu, jusqu’à la trentaine mais en vain.
Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus cru. Point de rupture ou il a rompu avec cet idéal de jeunesse se contentant à partir de là d’une vie sexuelle « low-cost » (expression que Cédric Ronnoc aime bien) qui est loin de de le rendre heureux. Il s’est ainsi laissé gagner par le désenchantement et la résignation.
Le narrateur est conscient du caractère superficiel et artificiel de ses rencontres avec des partenaires de Sex-club avec lesquels il ne partage que son corps.
C’est dans le dernier chapitre (non celui du titre mais celui du texte) en particulier que le personnage revient sur son passé, sur son espoir déçu de rencontrer le grand amour. Ce retour en arrière explique en quelque sorte ce qu’il est maintenant.
Il y a on le sent bien une contradiction dès le départ : Celui de rechercher le grand amour… en fréquentant exclusivement un Sex-club !
Le narrateur n’est pas naïf pour autant, il s’en rend parfaitement compte : « Mais, très vite gâchée par des années à se perdre dans les bordels pour mecs. A croire pouvoir y trouver le grand amour. Oui, le grand amour dans une backroom. Faut vraiment être con ! »
…« La méthode avec laquelle on cherche influence ce que l’on trouve et ce que l’on trouve détermine ce que l’on cherche. »
Alors comment comprendre le titre de cette Novella ?
Pour moi, « le dernier chapitre » n’est pas celui de la fin de cette histoire et des illusions de ce garçon ; c’est au contraire celui qui clôt ce moment de sa vie ou il a perdu ses illusions et vécu comme bloqué dans la résignation. C’est, peut-on espérer celui qui précède un nouveau « premier chapitre » celui d’une nouvelle vie, celui ou libéré de ces barrages psychologiques, ayant enfin perdu ses œillères (peut-être par la prise de conscience qu’a impliqué l’écriture de ce roman), le narrateur va retrouver son désir de réapprendre à espérer un véritable amour…
Le texte court et dense est solide, la voix du narrateur oscille entre crudité du vécu et intensité poético-philosophique.
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